Geneviève Mennelet est maire de Chalou-Moulineux et Xavier Guiomar est maire de Châlo-Saint-Mars
Xavier Guiomar : Il y a un partenariat ancien entre le CAUE et la commune. À titre personnel, il y a également un partenariat professionnel autour des questions agricoles. Je vois le CAUE comme une structure indépendante et sensible aux approches sociales, sociétales et environnementales.
Geneviève Mennelet : J’ai découvert le CAUE en lisant dans le magazine de l’agglo une info sur les consultations architecturales proposées aux particuliers à Étampes. Ensuite, j’ai fait appel au CAUE à plusieurs reprises sur des divisions de terrain, des permis d’aménager refusés, des permis de construire ne respectant pas les caractéristiques de Chalou-Moulineux. Au cours de ces rencontres, le CAUE nous a proposé de participer à une série d’ateliers afin de comprendre quels étaient les points forts à développer pour notre village à l’histoire forte, remarquablement inscrite dans le patrimoine bâti et naturel.
Comment avez-vous reçu cette proposition d’ateliers Territoires+, qui sont une création du CAUE ?
G.M : Pour moi et mes conseillers, cette proposition était tout à fait bienvenue ! Nous avions passé les 6 ans du premier mandat à gérer des urgences. Nous n’avions pas encore de recul sur le changement de la vie sociale (renfermement, individualisme, etc.) constaté assez vite dans la commune.
X.G : C’était une démarche logique et naturelle pour la commune de Châlo-Saint-Mars, qui est convaincue par les démarches participatives et par la pertinence d’être accompagné par un regard extérieur connaissant bien l’Essonne, sur le fond comme sur les procédures, et avec une approche pluridisciplinaire incluant le paysage, les attentes sociales, écologiques et économiques.
Comment ces ateliers se sont-ils passés ?
X.G : Le PLU étant toujours en révision, l’étape préalable avec l’organisation d’ateliers ouverts au public, en alternance entre le terrain et des séances en salle, s’intègre avec la suite : la recherche d’une participation citoyenne maximale. Les ateliers ont permis “d’embarquer” des habitants sur plusieurs séances, y compris des personnes plutôt critiques sur la démarche et les orientations communales qui sont devenues plus constructives au fil des séances. Ce cheminement à travers les ateliers était aussi bien adapté à notre commune avec ses 18 référents hameaux qui ont pu être invités spécifiquement à chaque fois. Une bonne partie d’entre eux se sont bien approprié la démarche.
G.M : J’ai trouvé passionnant de découvrir les analyses du CAUE sur la commune, les regards et la vision différente portés sur les habitudes : circulation, stationnement anarchique, présence de l’eau sans la voir, comment faire pour que la rivière devienne le lien entre les deux rives, encerclement du plateau de Beauce omniprésent, mais sans “l’habiter” ni le marcher…
Quel bilan tirez-vous de ces ateliers ?
X.G : Globalement, les ateliers ont bien montré à la fois une convergence générale des participants sur les grandes caractéristiques du territoire, et des regards particuliers sur des enjeux spécifiques. Un apport certain réside dans la capacité de ces ateliers à montrer progressivement que “tout est lié”, depuis la recherche d’une circulation apaisée à l’appropriation des ambiances de hameaux, de l’entretien des fonds de vallée à l’accès aux berges des rivières et à la sensibilisation sur les différents milieux, sans oublier les interdépendances entre patrimoine bâti et naturel.
G.M : C’est compliqué ! Il y a un décalage abyssal entre l’analyse et les projets proposés dans la synthèse finale des ateliers réalisés avec le CAUE – et le sentiment d’impuissance à ne pas pouvoir les réaliser par manque de moyens financiers, et par manque d’esprit d’entreprise, et de changement aussi certainement !
Comment avez-vous réagi à cette proposition de travailler ensemble en vue de réviser vos PLU respectifs ?
G.M : Très positivement. Notre PLU datait de 2013 et ne correspondait plus aux nouvelles lois, entre autres sur l’environnement. Entreprendre la révision de notre PLU avec Châlo-Saint-Mars (mais chacun pour soi) nous permettrait de confronter nos difficultés et nos problématiques, qui sont les mêmes dans bien des domaines. Cela promettait d’être très enrichissant pour nous tous.
X.G : C’était pour nous à la fois naturel et innovant. Naturel parce que nous partageons la même vallée, et que nos orientations d’aménagement sont cohérentes (préservation du patrimoine, recherche d’une vitalité locale, volonté de ne pas laisser les paysages comme les clôtures se refermer…). Innovant parce que nous n’avions jamais travaillé ensemble sur la prospective de nos villages, malgré tous les points communs.
En tant que maire, qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ? De façon individuelle ou pour votre équipe, des choses ont-elles évolué depuis ?
X.G : Travailler à deux communes sur deux PLU élargit nos regards sur nos territoires : on perçoit mieux à la fois ce qui est commun et spécifique aux deux villages. On bénéficie de différents regards d’une autre commune sur la nôtre. On identifie aussi plus facilement de potentielles coopérations dans différents domaines (culturel, scientifique, technique, commercial…). On sort aussi d’un entre-soi dans les échanges prospectifs. Ces ateliers ont permis de poser les bases d’une coopération sur la durée, riche de potentiels, mais toujours à faire vivre pour ne pas retomber dans la routine communale.
G.M : À titre personnel, cela me conforte dans l’idée qu’un élu (peut-être beaucoup plus dans les communes rurales) ne peut plus rien faire tout seul. Tout est devenu encore plus compliqué. Le poids de l’administration s’amplifie au lieu de redonner de l’autonomie au maire et à son conseil municipal, tout en diminuant les dotations et le pouvoir de décision un peu plus chaque année !
Avec la révision du PLU de chaque commune, nous avons entrepris simultanément le classement de la vallée de la Louette et de la Chalouette avec les maires des six communes riveraines, et aussi l’Atlas de la biodiversité communale avec Châlo-Saint-Mars et Saint-Hilaire… Cela demande une implication, un investissement personnel de chacun considérable. Cela me conforte dans la conviction que l’avenir est dans la mutualisation.
Toutes ces démarches sont remarquablement complémentaires. Le fait de les avoir entreprises ENSEMBLE est, me semble-t-il, inédit ! Je pense que ces actions au final, seront bénéfiques et contribueront à la préservation de notre vallée, précieuse pour ses richesses patrimoniales historiques et paysagères, patrimoines du bâti et de la biodiversité…
Comment parleriez-vous du CAUE à un élu qui ne le connaît pas ?
X.G : Comme d’un partenaire capable de s’adapter non seulement aux spécificités de chaque commune, mais aussi à nos souhaits d’aller plus ou moins loin dans des politiques pro-actives et dans la coopération intercommunale de proximité. La présence du CAUE dans l’accompagnement d’un cheminement plus ou moins long permet d’être régulièrement remotivé par un acteur extérieur qui peut aussi rappeler à chacun le caractère particulier, parfois remarquable, d’un territoire et de milieux auxquels on s’habitue, mais qui nécessitent une vigilance particulière et l’affirmation d’un cap, notamment à travers le PLU.
Enfin, le CAUE est un acteur pertinent (ni administration, ni collectivité locale, ni bureau d’études) pour assurer une médiation coopérative entre plusieurs communes, dans la participation citoyenne et dans une attention particulière aux dimensions sociétales, sociales, environnementales et patrimoniales.
G.M : Je dirais à un élu qu’après avoir travaillé avec le CAUE, on ne peut plus s’en passer ! Ce qui est important, c’est que le CAUE est un organisme indépendant de la fonction publique et territoriale. Et que l’équipe continue à nous suivre de près ou de loin… Ce n’est pas un “marché” et ça n’a pas de prix ! ■