Marie Cheminant, Vincent Robert et Maela Marzin-Placial sont professeurs au collège Gérard Philipe, Massy.
Dans le cadre de l'opération “Architectes et paysagistes dans les classes” portée par les CAUE d’Ile-de-France, le collège Gérard Philipe de Massy a sollicité le CAUE de l’Essonne pour bénéficier de l’intervention d’un urbaniste et d’une paysagiste pour ses 140 élèves de 3e. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un enseignement pluridisciplinaire en géographie/sciences de la vie et de la terre, et en lien avec le projet portant sur le thème “Transition écologique et développement durable”. Elle concerne aussi le Parcours Avenir lié à l’orientation professionnelle en classe de 3e.
Quel est, pour vous enseignants, l’objectif de cette journée “Urbanistes dans les classes” proposée par le CAUE ?
Marie Cheminant : Faire découvrir aux élèves les aménagements urbains dans une ville qu’ils connaissent ou qu’ils pensent connaître.
Vincent Robert : Et les faire participer à un projet touchant à l’Education au développement durable (EDD), afin de leur faire prendre conscience des enjeux actuels, dans la perspective de meilleurs lendemains.
Quel est votre bilan ?
Maela Marzin-Placial : Déjà, nous prenons beaucoup de plaisir à travailler en équipe car ce projet permet de décloisonner le travail trop souvent solitaire de l’enseignant. Les équipes d’histoire-géographie et de SVT de 3e travaillent ensemble pour mener à bien ce projet, et de nombreux professeurs d’autres matières nous accompagnent tout au long de la journée, sans compter l’administration qui participe à l’organisation logistique. L’ensemble des élèves de 3e bénéficient de cette action. Cela favorise donc une véritable cohésion d’établissement autour de cette journée. Ensuite, travailler avec des intervenants extérieurs crée du lien avec les organisations territoriales du secteur. Le regard de professionnels est un véritable complément pédagogique.
Les élèves s’engagent réellement dans le travail demandé, autant lors de la sortie de terrain que lors de la réalisation des affiches. Et nous savons très bien que la pédagogie ascendante est bien plus efficace que la pédagogie descendante pour l’intégration des notions. A chaque fois que nous avons organisé cette action, certains élèves en difficultés scolaires récurrentes ont été extrêmement engagés au cours de cette journée, et en situation de réussite. C’est une grande satisfaction.
Marie Cheminant : Bilan très positif, et de plus en plus année après année ! Les élèves sont enthousiastes, investis et ils s’approprient mieux les attendus en termes de connaissances. Cela met du sens, rend concrètes des notions qui peuvent leur paraître abstraites.
Cette action change-t-elle le regard des élèves sur leur environnement ?
Maela Marzin-Placial : Très souvent, lorsque nous annonçons le lieu de la sortie de terrain, Massy, les élèves sont extrêmement déçus. On entend : “Massy, on connaît, on y est tous les jours !”
Marie Cheminant : Ils pensent connaître leur ville, mais généralement ils la connaissent peu ou mal. Pour eux, c’est une ville de banlieue qui a toujours eu l’aspect et les fonctions qu’ils connaissent. Beaucoup d’élèves se rendent compte qu’ils ont une pratique de l’espace sans réelles réflexions : pourquoi a-t-on construit cela ici ? Qu’est-ce que cela engendre ? Cette visite leur permet d’analyser et de comprendre les espaces qu’ils traversent. Ils en ont alors une pratique moins passive.
Maela Marzin-Placial : Nous leur expliquons que, même s’ils pratiquent les lieux, nous allons les observer avec de nouveaux regards : celui du géographe, de l’aménageur, de l’architecte… Ils restent dubitatifs jusqu’aux premiers arrêts, lorsqu’ils commencent à remplir leur “mini-diplôme d’urbaniste” en observant les paysages, en écoutant leur environnement comme jamais auparavant. Les élèves oublient très vite leurs réticences et remplissent leur livret avec soin, écoutent attentivement les informations apportées par les professeurs et les intervenants, à en oublier la pause déjeuner ! C’est ensuite avec beaucoup d’application qu’ils souhaitent retranscrire leurs découvertes dans leurs affiches l’après-midi, qu’ils présentent fièrement à leurs camarades.
Vincent Robert : Il est important que les élèves puissent prendre conscience de la façon dont les quartiers de Massy sont pensés, et voir comment les quartiers récents intègrent de nouveaux objectifs avec la prise en compte de l’environnement dans la réflexion des urbanistes. Certains sont aussi amenés à découvrir d’autres quartiers de leur ville et peuvent prendre conscience des disparités entre anciens et nouveaux quartiers.
Comment cette journée s’intègre-t-elle dans votre programme ?
Vincent Robert : En tant que professeur de SVT et référent EDD académique, l’EDD est omniprésente dans mon enseignement et les projets que je peux mener. Que ce soit les questions environnementales ou de gestion durable des villes, qui sont prises en compte via les Objectifs de Développement Durable de l’ONU.
Marie Cheminant : Cette journée s’intègre en géographie dans un chapitre plus global sur les aménagements. Les notions telles que les fonctionnalités des espaces, les mobilités, la prise en compte du caractère durable des aménagements sont appréhendées.
Maela Marzin-Placial : Les notions d’urbanisme, d’architecture, d’environnement et de transition sont présentes dans les programmes. Cette journée constituant l’étude de cas de la thématique sur l’aménagement du territoire en géographie, ils ont accès aux photographies de leurs affiches sur leur ENT (“Environnement Numérique de Travail”). Puis nous mettons cette étude de cas en perspective aux échelles nationales et européennes. Nous y faisons ensuite régulièrement référence pour continuer l’acquisition des notions. Lors des évaluations et de leurs épreuves de brevet, les élèves doivent se servir de l’étude de cas comme exemple des notions abordées à expliquer.
Voyez-vous une évolution, au fil des ans, sur la façon dont les élèves participent ?
Marie Cheminant : Ils sont de plus en plus enthousiastes ! Ils ont envie de comprendre l’organisation de leur ville et sont ravis de sortir des manuels pour voir et comprendre comment cela se passe concrètement. Ils ont l’impression d’être acteurs de leurs apprentissages. Et ils le sont !
Vincent Robert : Cette évolution est en lien étroit avec la culture liée à l’EDD qu’ils acquièrent depuis quatre ans pour certains. Cela fait écho à leurs enseignements et aux projets auxquels ils ont déjà participé, et leur permet de découvrir une nouvelle approche de l’EDD dans le cadre de l’urbanisme, et de prendre conscience que tout doit être lié.
Votre sentiment sur le rôle du CAUE ?
Marie Cheminant : Excellente prise en charge du CAUE qui produit un important travail en amont. Je pense notamment à la réalisation des petits livrets que les élèves doivent compléter lors de la sortie. Le CAUE sait s’adapter aux exigences et aux difficultés que nous pouvons rencontrer en termes d’organisation, de matériel, de notions parfois complexes à aborder.
Vincent Robert : La structure permet d’apporter son expertise, ses conseils sur des questions liées à l’urbanisme en lien étroit avec la préservation de l’environnement et dont les compétences permettent une adaptation pédagogique en fonction des besoins et niveaux du public.
Maela Marzin-Placial : Le CAUE a pour rôle de guider une vision cohérente de l’aménagement du territoire à l’échelle du département. En tant qu’enseignante, il est donc très intéressant d’organiser des interventions avec le CAUE auprès des élèves afin de bénéficier d’un regard professionnel sur des notions d’urbanisme et d’architecture que nous devons leur faire acquérir, en tant que futurs citoyens et concernant leur orientation professionnelle.
Un mot pour terminer ?
Vincent Robert : Un grand merci au CAUE de nous accompagner depuis trois ans dans ce projet avec toujours le même professionnalisme et la même envie de partager votre expertise avec les élèves !
Marie Cheminant : Cette expérience est facilement transposable et adaptable dans de multiples villes. Alors il faut se lancer !