Le CAUE 91 a eu le plaisir de visiter fin mai 2023 à Arpajon le chantier de l'opération lauréate du programme Engagés pour la Qualité du Logement de demain, “Belles vues sur des typologies plurielles” porté par I3F et Jean et Aline Harari architectes. Une belle opération dont la spatialité inventive met la qualité d'usage des logements au centre et nous montre un habitat dense fortement désirable.
Cette visite était la première du cycle de visites "Bailleurs sociaux et architectes franciliens engagés pour la qualité du logement" initié par l'AORIF – l’Union sociale pour l’habitat d’Île-de-France, l'Ordre des Architectes d'Île-de-France, et l'Europe des Projets Architecturaux et Urbains.
Le contexte : la ZAC Belles Vues
L’opération de Jean et Aline Harari est la première opération de la ZAC des Belles Vues à sortir de terre. Ce nouveau quartier, à cheval sur les communes d’Ollainville et Arpajon, verra à terme la construction d’environ 1000 logements dans un quartier paysagé de 56ha, articulé autour d’un parc paysagé et d’un nouveau groupe scolaire.
La ZAC, qui mixera logements, commerces de proximité et zone d’activité à proximité de grands axes routiers (RN20), est portée par la SORGEM pour Cœur d’Essonne Agglomération, avec comme maîtrise d’œuvre urbaine l’agence Marniquet et Aubouin.
Tout de suite, ce qui est évoqué par Jean et Aline Harari, c’est le mode de consultation particulier (procédure de mise en concurrence “promoteur-concepteur”) qui a offert un cadre propice à un travail collaboratif et itératif particulièrement riche avec le bailleur de l’opération I3F. Ainsi, la mise en débat des choix de conception en amont de la sélection a permis au couple bailleur-architectes d’éprouver les solutions envisagées et de trouver le bon équilibre au regard des contraintes du site et du programme. C’est lors de cette phase qu’a été imaginée, par exemple, la stratégie architecturale consistant à jouer sur des duplex à demi-niveaux pour tirer intelligemment partie de la déclivité du site et articuler l’opération entre la rue haute (où l’on accède à des commerces en double hauteur) d’une part, et la rue basse (où l’on accède de plain-pied aux maisons et au parking couvert encastré dans la pente) d’autre part. Un travail qui leur a permis, selon l’Agence Marniquet Aubouin, d’aller au-delà des attentes de la fiche de lot. Et il faut dire que le résultat est particulièrement réussi.
L’opération de 56 logements occupe un terrain de 6894m2 dominant un panorama magnifique sur les plaines arpajonnaises. Son épannelage en gradins descendant vers le sud, épouse le relief.
En haut du coteau, un premier volume en R+2 accueille des appartements au dessus d’un rez-de-chaussée commercial. Ce sont les fameux duplex à demi-niveau. Des T3 traversants, prolongés par des balcons généreux, qui profitent pleinement de la vue dégagée sur l’horizon verdoyant. Adossés au collectif, on trouve ensuite des logements intermédiaires (des T3, bénéficiant eux-aussi de balcons et de la vue). A leur pied, une première rangée de maisons à courette (T4). Viennent ensuite, de l’autre côté de la rue intérieure, deux nouvelles séries de maisons (T4 et T5), dont les plans en L, s’imbriquent intimement l’un à l’autre pour former des patios.
En ce jour de visite de chantier, tout n’est pas encore fini, mais l’on peut déjà aisément observer les qualités de l’opération et sa force démonstrative. Il s’agit presque d’un petit morceau de ville, extrêmement riche par la diversité des typologies résidentielles et des situations qu’il met en place, avec sa rue intérieure, ses escaliers qui partent à l’assaut du coteau, son jardin, ses balcons et ses patios...
L’ensemble est relativement dense (env. 81log/ha) pour le contexte périurbain dans lequel il s’insère. Il permettra pourtant à chaque habitant de trouver l’intimité dont il a besoin, grâce à un jeu très subtil d’imbrication des volumes, des typologies, et des usages. Dans une mise en tension entre intériorités et ouvertures sur l’extérieur, l’opération “Belles vues sur des typologies plurielles” s’attache à déployer des conditions propices à la vie en communauté dans son sens le plus noble. Une volonté revendiquée des architectes, de “transcender la notion de résidence” et de permettre à chaque habitant de se sentir réellement “partie prenante d’un ensemble”.
Cette aspiration se retrouve aussi dans la programmation qui intègre un appartement de 10 pièces, colocation solidaire pour des personnes en situation d’exclusion ou de handicap.
Il faut aussi souligner le travail poussé mené sur les plans des logements. Grâce aux allers-retours entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, les plans ont été scrutés dans leurs moindres détails, les surfaces optimisées, pour maximiser l’habitabilité des logements qui, à surfaces égales, offrent un confort et des potentialités d’usages domestiques au-delà des standards habituels.
Ainsi en va-t-il , par exemple des cuisines, ouvertes sur le salon, certes, mais constituant des pièces indépendantes éclairées naturellement par leur propre fenêtre, ce qui a malheureusement tendance à disparaître aujourd’hui dans de nombreuses opérations de logements. On pourrait aussi citer, les espaces de distributions intérieurs qui ont quasiment disparu dans les appartements, grâce à l’utilisation intelligente du demi-palier. Ou encore le fait que tous les habitants accèderont à leur logement directement depuis l’extérieur.
Les choix constructifs sont ici intrinsèquement liés aux choix architecturaux. L’utilisation de la brique massive (façades en mulots autoporteurs) et du bois (menuiseries, ossatures et bardages) est déterminante dans la sensation rassurante de domesticité qui émane de cet ensemble. Elle renvoie volontairement l’opération au temps long d’une tradition dans laquelle souhaitent s’inscrire les architectes, qui piochent dans cette histoire intellectuelle éprouvée des ressources pour concevoir des logements répondant aux défis d’aujourd’hui.
Les choix sont raisonnés plus que démonstratifs. L’emploi du béton est limité aux ouvrages d’infrastructures, aux voiles transversaux porteurs et aux planchers. Les logements traversants favorisent la ventilation naturelle. La stratégie de mix énergétique est basée sur les renouvelables (chaufferie biomasse, PAC dans les maisons).
On notera enfin, le soin apporté aux détails : le chatoiement de la brique rouge-orangé, son harmonie avec les tuiles canal des maisons à patios, le traitement légèrement rustique des joints affleurants entre les briques, ou encore le bardage bois en douglas qui n’a pas été pré-grisé pour donner cette ambiance chaleureuse aux patios.
“Belles vues sur des typologies plurielles”, route de Chevreuse, 91290 Arpajon
Maître d’ouvrage : I3F
Maître d’œuvre : Jean et Aline Harari architectes (architecte chef de projet : Franck Lemoine ; architecte assistant : Lucas Mongin) / TEKHNE Ingénierie / BET fluides : Synergie / D’Ici Là paysages & territoires
Programme : Construction de 56 logements sociaux, 1000m2 commerces et 75 places de stationnement sur une parcelle de 6894m2. Les logements sont répartis en neuf maisons individuelles (2 T3, 3 T4, 4 T5), trente-neuf logements collectifs (1 T1, 4 T2, 25 T3, 6 T4, 1 T5), sept logements intermédiaires (2 T2, 2 T3, 2 T4, 1T5) et 1 grand logement de 10 pièces en colocation pour l’Association Cap Solidarités.
Calendrier : en chantier – livraison prévue début 2024.