Le Moulin de Vauboyen fait partie des nombreux joyaux de la Vallée de la Bièvre. C’est un lieu à la beauté discrète, où le temps semble suspendu. Après 15 ans d’abandon, il vient d’achever la première étape de sa mue grâce à une procédure ad hoc d’appel à manifestation d’intérêt. La société Primaveras Campus (gestionnaire des lieux pour les 40 prochaines années) et la scop fair architectes ont imaginé, avec mesure, sa transformation en un centre de séminaires de formation professionnelle paisible : le “Campus du Sens au Travail”.
Le CAUE 91 a visité les lieux en avril 2024.
Le “Campus du Sens au Travail” se situe à deux minutes à pied de la gare de RER (ligne C Massy-Versailles, arrêt Vauboyen), la déconnexion est pourtant complète.
Passant une porte-charretière, on découvre un ancien moulin-ferme, sa cour pavée et son charmant jardin au bord de l’eau. La structure des lieux date du 15ème siècle, époque où le moulin fut édifié dans une boucle de la Bièvre.
L’activité du moulin a cessé et la roue a aujourd’hui disparu. Le site a néanmoins connu une seconde vie, particulièrement riche, dont subsistent encore quelques traces. Des vitraux de Jacques Villon dans l’ancienne grange transformée en chapelle, ou encore une céramique de Jean Lurçat sur les murs des bâtisses rappellent que le moulin fut transformé à partir des années 1960 en résidence d’artistes par un éditeur et amateur d’art réputé, Pierre de Tartas, tombé amoureux des lieux. Foujita, Braque, Chagall, Dufy, et bien d’autres, sont venus se ressourcer ici à la recherche du fil ténu de l’inspiration.
On comprend aisément l’attachement de la commune à ce lieu qu’elle acquiert en mauvais état en 2011 dans l’espoir de lui donner un nouveau souffle. En mai 2016, elle lance donc un AMI pour “identifier un projet d'avenir” pour le moulin. La consultation est ouverte aux investisseurs “présentant de solides garanties en matière de réalisation et de gestion d'équipement à vocation touristique, de loisirs, culturelle et de valorisation patrimoniale au sens large”. Le projet du “Campus du Sens au Travail” est retenu par la commune car il s’inscrit dans la préservation du site et de ses qualités.
Nous avons pu visiter le premier bâtiment réhabilité.
Le projet se situant dans le site classé de la Vallée de la Bièvre, il a été soumis à l’avis de la commission des Sites et a fait l’objet d’un dialogue avec l’Architecte des Bâtiments de France du secteur. En ce qui concerne les façades et les toitures, peu de changement sont donc à observer, en dehors de la création d’un escalier extérieur à l’arrière, d’aspect contemporain, permettant d’accéder à l’étage sous toiture.
La toiture du bâtiment principal, couverte de tuiles plates de terre cuite, a été rénovée et isolée par l’intérieur avec 25 cm de Métisse® (un isolant biosourcé, composé de coton recyclé, fabriqué en France par un réseau d’entreprises de l’économie sociale et solidaire).
Les menuiseries ont toutes été changées par de nouvelles, plus performantes, en bois, intégrant un dispositif de ventilation naturelle. Choisir de n’utiliser aucune ventilation mécanique ou assistée, implique d’informer les usagers qui doivent participer à la ventilation des lieux. Cela fait partie, selon l’architecte et le maître d’ouvrage, “de la manière d’habiter le lieu”.
La question de l’isolation des murs a fait l’objet de plusieurs hypothèses pour trouver le bon compromis entre confort d’hiver, confort d’été, gestion de l’humidité et coût… De nombreuses contraintes spécifiques liées à l’ancienneté du bâti et surtout à l’humidité des murs devaient être intégrées (c’est un ancien moulin, on trouve de l’eau à 15 cm sous la dalle la plus basse). Le bureau d’étude thermique, spécialisé et ayant l’expérience du bâti ancien, a réalisé des simulations thermiques dynamiques précises, qui ont aidé à faire des choix éclairés, que ce soit pour l’isolation, le mode de chauffage ou la ventilation.
L’isolation thermique des murs a finalement été faite par l’intérieur. Les murs ont été doublés de 18 cm d’isolant en Métisse®, posé sur une semelle en liège expansé (protégeant des remontées capillaires), et séparé du mur par une lame d’air ventilée. La finition a été assurée avec des plaques de fermacell, un matériau qui résiste très bien à la présence d’humidité (contrairement aux plaques de plâtres standards), tout en permettant au mur de “perspirer” : une caractéristique indispensable pour ce bâti ancien.
Sur le premier bâtiment réhabilité, la façade attend encore de refaire son enduit et les volets en bois sont encore à remplacer. La crise covid, puis la guerre en Ukraine, ont comme pour beaucoup de chantiers, fait monter les coûts et différé certains travaux normalement prévus dans cette première phase. Le lieu est cependant parfaitement opérationnel et reçoit des clients professionnels depuis octobre 2023. On y trouve quatre espaces bien équipés et autonomes, composés chacun :
Leur aménagement privilégie les matières naturelles et nobles, les couleurs chaudes et chaleureuses. Le mobilier et la décoration proviennent principalement de France ou d’Europe (à 75 %). Ils diffèrent dans chacun des quatre espaces, auxquels le maître d’ouvrage souhaitait conférer une identité distincte. Clin d’oeil au passé du moulin, il les a nommés respectivement du nom d’un illustre artiste : Cocteau, Foujita, Lorjou, Vlaminck.
En parallèle de ces espaces de travail, on trouve également des espaces de soin et de bien-être (cabinet de thérapeutes) que nous n’avons pas pu visiter pour ne pas déranger leurs usagers.
D’autres travaux interviendront dans les années à venir, réinvestissant progressivement tous les espaces du moulin. L’ancienne chapelle, installée dans la vieille grange par Pierre de Tartas, très abimée, sera rénovée et transformée en grande salle de séminaires et en lieu de ressourcement. Les petits bâtiments d’habitations deviendront respectivement un hébergement et un espace de restauration. Une petite extension est prévue sur ce second espace. La façade sur jardin se verra adjoindre une véranda en structure bois dont les façades seront faites de l’assemblage des anciennes fenêtres des bâtiments existants, afin de “conserver la trace de l’histoire du lieu”.
Enfin, les aménagements paysagers viseront principalement à préserver et valoriser les qualités paysagères du lieu (liées à l’activité passée du moulin et de la vallée, mais aussi aux plantations et aménagements réalisés par Pierre de Tartas). Comme pour les bâtiments, il n’est prévu aucune modification importante. Le projet a une démarche volontariste pour réduire au maximum ses incidences écologiques sur le site : il s’agit de prendre soin du déjà-là à travers des interventions frugales.
Le “Campus du Sens au Travail”, Moulin de Vauboyen, 80 rue de Vauboyen 91570 Bièvres
Site internet : https://www.lemoulindevauboyen.fr
Maître d’ouvrage : Primaveras Campus (la mairie est propriétaire des lieux, mais c’est Primavéras qui a réalisé et financé les travaux de réhabilitation dans le cadre d’un bail à 40 ans).
Maître d’œuvre : scop fair (fabrique d’architectures innovantes et responsables), architecte mandataire, P-tréma (BET thermique) ; Milae ingénierie (BET structure) ; Épigénie (Paysagiste)
Entreprises : MIGO Aménagements (Gros Oeuvre, maçonnerie, plâtrerie, carrelage), Technopieux (pieux vissés), C2B (structure bois), APBM (traitement des charpentes existantes), Alliance (menuiseries extérieures), SAS TORO (couverture), CMF (serrurerie), ADLVO (peinture, sols souples), TBM scop (menuiseries intérieures), PRIENE (électricité), Sallandre (plomberie, chauffage).
Programme : Salle de formation et séminaires, salle de conférence, cabinets de thérapeutes, espaces de restauration au sein d'un parc paysager.
Surface : phase 1 : 660m2 / totalité des bâtiments : 1400m2
Coût : 1M HT / environ 1M estimé pour les phases à venir
Calendrier : Études : 2019-21
Chantier : 2022