CAUE de l'Essonne CAUE 91 Le CAUE de l'Essonne est une association départementale, qui a pour vocation la promotion de la qualité architecturale, urbaine, paysagère et environnementale. CAUE 91, architecture, urbanisme, environnement, conseil, sensibilisation, formation, pédagogie

CONSTRUIRE EN TERRE : LE PÔLE ENFANCE DES LOGES À ÉVRY-COURCOURONNES

VISITE DE CHANTIER

Il y a quelques années, la construction ou la réhabilitation en matériaux biosourcés en Essonne (bois, terre, paille, chanvre…) semblait un domaine plutôt réservé aux initiés. Si cela apparaît encore comme une aventure pour beaucoup de collectivités, elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer, poussées pas les nouvelles réglementations thermiques, la hausse des prix de l’énergie ou encore les épisodes caniculaires à répétition. En Essonne, les équipements dédiés à la jeunesse (école, cantine, centre de loisirs, etc) font figure de proue. Plusieurs chantiers en cours témoignent de ce tournant. Il y est question d’offrir un cadre favorisant le bien-être des enfants. Mais aussi d’incarner la transition écologique des collectivités dans les bâtis abritant les citoyens en herbe. Tout un symbole.

Préparation de la terre pour le pisé - Chantier, juin 2024
Préparation de la terre pour le pisé - Chantier, juin 2024 © CAUE91 - Évry-Courcouronnes - Pôle Enfance des Loges - MOA Ville - MOE HEMAA architectes

À Évry-Courcouronnes, le CAUE 91 a visité en juin 2024 le chantier du Pôle enfance des Loges, conçu par l’agence HEMAA architectes, sous maîtrise d’ouvrage de la ville. Environ 650 m3 de terre (pisé) y est actuellement mis en œuvre. C’est un des premiers chantiers de ce type en Essonne.

 

Un horizon différent

La situation géographique du Pôle enfance, au carrefour du quartier Bois Sauvage-Bois Guillaume et du quartier des Pyramides, est symbolique. Elle répond à une ambition plurielle, affichée par la commune. Le Pôle enfance est tout d’abord destiné à offrir aux enfants, qui partent peu en vacances, un horizon différent, hors de leur quartier et de leurs écoles, où se situaient jusqu’à présent leurs accueils périscolaires. C’est également un endroit où les enfants de différents quartiers pourront apprendre à se connaître et s’apprécier, en partageant des activités de loisirs pendant les mercredis et les vacances scolaires. La ville possède déjà deux Pôles enfance de ce type, dont elle dit qu’ils ont fait leur preuve, en terme de fonctionnement et de mixité des populations.

C’est enfin un endroit où les enfants pourront découvrir leur environnement et le milieu naturel en général. Le Pôle enfance se situe en lisière d’un des quatre grands parcs du centre d’Évry, le parc des Loges, où il vient compléter une zone d’équipements sportifs (stade, vestiaires, city-stade).

 

Habiter la lisière

Le programme du nouvel équipement est un défi car il combine plusieurs entités, sur un site relativement contraint : un accueil de loisir maternel et élémentaire (ALSH), un relai petite enfance (RAM), une cantine, et une tribune “équipée” pour le stade attenant (avec un foyer, buvette, salles de sports et de musculation...).

Les architectes ont implanté le bâti avec beaucoup d’intelligence. L’édifice est composé d’un chapelet de pavillons, dans lesquels se glissent les différentes entités. Plutôt que de les ramener au niveau du sol de la rue, ils les ont au contraire ancrés dans le talus existant dont ils ont su tirer parti. Cela leur a permis de glisser les 50 places de parkings demandées par le maître d’ouvrage sous le bâtiment, plutôt que devant, et de limiter l’imperméabilisation du site. Libéré de cette contrainte, le talus végétalisé formera un écran protecteur pour les enfants,  évitant la mise en place de clôtures entre la rue et le bâtiment. Les lisières du parc des Loges déjà traitées de la sorte, se trouveront ainsi prolongées. A terme, des rampes douces y sillonneront parmi les arbres pour rejoindre le hall d’entrée. Entre les pavillons, des parties vitrées laissent entre-apercevoir le futur jardin niché à l’arrière, où les enfants pourront jouer dans un paysage très végétal (les paysagistes de l’agence Wald se sont inspirés de la pédagogie des Waldkindergarten pour concevoir cet espace).

On comprend que tout a été fait pour gommer l’environnement urbain du nouvel équipement et l’inscrire au sein du parc. Un parti pris qui se retrouve aussi dans le choix des matériaux.

 

D’ici et d’ailleurs

A l’angle des boulevards de l’Écoute-S’il-Pleut et des Champs-Élysées, le chapelet de pavillons aux toitures en berceaux, semble littéralement sorti de terre. L’effet produit est saisissant et paradoxal. Alors que les murs de terre, de la même couleur que le sol du terrain, enracinent le nouvel équipement, ici dans la lisière du parc, il y a dans cette architecture quelque chose qui nous projette également ailleurs, au-delà. La présence de la terre, son expressivité puissante, embarque l’imagination vers d’autres lieux plus lointains, voire d’autres temps. Il faut dire que la terre est utilisée depuis des millénaires dans les constructions vernaculaires. C’est même le matériau de construction le plus répandu à travers le monde. Elle est donc étrangement familière, bien que peu usitée en Ile-de-France.

 

La terre pisée

Le matériau terre n’a pas été choisi par hasard par les architectes. Il y a bien sûr, ses qualités plastiques qui se prêtent à une architecture contemporaine, son expressivité, qui embarque une charge émotionnelle non négligeable, mais aussi des caractéristiques techniques intéressantes.

La terre est une ressource naturelle, abondante et locale qui demande peu d’énergie pour être mise en œuvre. Utilisée dans la construction, elle trouve tout son sens dans la recherche d’une architecture frugale et bas-carbone. Au Pôle des Loges, les exigeants labels E3C2 et HQE excellent sont visés, obligeant les maîtres d’oeuvre à se pencher sérieusement sur la question constructive et matérielle, pour trouver des matériaux appropriés. Par ailleurs, l’emploi de la terre déplace la question du coût du matériau (moins cher) vers celle de la main d’oeuvre (nécessairement qualifiée). L’impact est aussi social.

Les murs du nouveau Pôle des Loges ont été réalisés en terre pisée de 50 cm de large, reposant sur un socle en béton matricé (le mur en terre craint l’eau, le socle lui sert de “bottes”, tandis que le débord du toit lui sert de “chapeau”).

La technique du pisé consiste à compacter des couches de terre crue dans un coffrage. Les murs réalisés ainsi sont porteurs et autostables. La charpente en bois repose donc directement dessus, sans ajout de poteaux (pendant le chantier, des étais permettent d’attendre la fin des trois mois de séchage requis pour le pisé).

De fins lits de chaux viennent renforcer les angles saillants des murs vis à vis des chocs, dessinant un élégant chainage d’angle. Des poches à la chaux protègent également ponctuellement le pisé des cisaillements que pourraient produire les poutres qui y reposent.

Le pisé n’est pas un matériau isolant (en tout cas pas suffisamment pour atteindre le label). De ce fait, tous les murs qui constituent une interface entre intérieur et extérieur, ont été doublés d’un isolant en laine de chanvre, lin et coton (BioFibTrio®). Cet isolant a été choisi pour préserver les qualités apportées par le pisé, en particulier celles liées à la migration de vapeur d’eau. Le pisé joue en effet un rôle important dans le confort ressenti dans le futur bâtiment (et donc dans les économies d’énergie), grâce à sa forte inertie et ses propriétés hygroscopiques. Pour faire simple, il contribue à réguler l’humidité intérieure, avec un comportement qui change selon les saisons, préservant la sensation de fraîcheur l’été et de chaleur l’hiver.

 

Le chantier

D’où vient la terre du Pôle des Loges ? Initialement, cela devait être celle du site. Elle avait été testée, échantillonnée, et c’était prometteur. Mais quelques échantillons ont finalement exclu ce cycle vertueux. La terre des premiers pavillons a été fournie par Cycle Terre installé à Sevran, mais l’entreprise est actuellement à l’arrêt. Les architectes et leur bureau d’étude ont donc dû trouver au débotté, une autre entreprise.

Le chantier a également pris du retard au démarrage à cause du gel précoce (les pisé doivent être posés hors gel).

De nombreux tests ont aussi dû être réalisés sur le chantier afin de garantir la conformité des ouvrages (avec un avis de chantier). La terre a beau être un matériau immémorial, le pisé est considéré en France comme une technique “non-courante” par les assurances (c’est à dire qu’il n’est encadré par aucune norme française à ce jour, bien qu’il existe des guides de bonnes pratiques réalisées par les acteurs de la profession).

La visite d’un chantier comme celui du Pôle des Loges permet de se rendre compte que construire en terre en Ile-de-France oblige encore à faire preuve d’abnégation. Mener un tel projet demande une équipe projet engagée et une maîtrise d’ouvrage audacieuse.

 

Les infos clefs :

Pôle enfance des Loges et tribune sportive, boulevard de l’Écoute-S’il-Pleut, 91000 Évry-Courcouronnes

Maître d’ouvrage : Ville d’Évry-Courcouronnes
Maître d’œuvre : HEMAA architectes, WALD Paysagistes, ANA BET TCE, et Be Terre (bureau d’étude spécialisé dans la construction en terre crue)

Entreprises : DONATO (gros-oeuvre et pisé), CUNIN (Groupe Morlot) (charpente bois), SARMATES (couverture étanchéité), DITER (menuiseries extérieures),  BATHELEC (cloisons doublages), PESCIA (menuiseries intérieures), PEINTURES PARISIENNES (peinture), SERTAC (revêtements de sol), LGC (CVC plomberie), TARDY (électricité), FROID 77 (cuisine : cloisons et équipements), IDVERDE (paysage), Terre & Pierre (VRD), Environnement Services (serrurerie)

Programme : Construction d'un centre de loisirs, d'un relai petite enfance et d'un équipement sportif intégrant une tribune 300 places dans le Parc des Loges. Parking sous terrain de 50 places.

Surface :  2445 m² SDP / 2626 m² d’espaces extérieurs
Coût : 11 M euros HT/13 M euros TTC

Calendrier :  Chantier en cours. Livraison début 2025.

 

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