Le CAUE 91 a visité fin juin 2023 le Conservatoire de musique et danse de Palaiseau, réalisé par l'agence Deshoulières Jeanneau Architectes pour la Communauté d'Agglomération Paris Saclay. En insérant dans l'épaisseur du sol les surfaces supplémentaires qui ne pouvaient pas être déployées en hauteur -sans rien céder au confort des espaces (lumière naturelle, accessibilité, acoustique, ...)-, ce projet apporte une réponse intéressante aux problématiques de densification des centres-villes à l'heure du ZAN.
Le CRI (Conservatoire à Rayonnement Intercommunal) se situe à deux pas du centre-ville de Palaiseau, le long de l’avenue Stalingrad, un axe d’entrée de ville et de traversée routière important (RD117). Avec sa galerie d’entrée légèrement en retrait, le nouvel équipement ménage un petit parvis d’accueil, espace de respiration appréciable qui participe à la reconquête d’une avenue jusqu’alors relativement hostile aux piétons. (L’avenue a été réaménagée concomitamment par le Département, avec un plateau traversant, une piste cyclable et des places de dépose-minute, étirant maintenant le centre-ville jusqu’au conservatoire).
Le site du CRI était anciennement occupé par l’école Jules Ferry, beau bâtiment de briques et de meulières du début XXe, dont les deux ailes ont été conservées et réhabilitées. Le choix de conserver les bâtiments existants était laissé à la libre appréciation des équipes de maîtrise d’oeuvre lors du concours organisé en 2018. D’autres concurrents ont d’ailleurs proposé de les démolir. Il faut dire que le défi soumis aux architectes n’était pas simple à relever ! Le programme était en effet très ambitieux. Après de longues années d’attente, et après avoir imaginé de nombreux scénarios, la Communauté d’Agglomération Paris Saclay a en effet décidé de regrouper sur un unique site l’ensemble des espaces du conservatoire jusqu’alors dispersés en trois lieux de la ville.
Mais comment faire tenir les 3200m² du programme sur une parcelle à peine plus grande ? tout en gérant une différence de niveaux de l’ordre de 10 à 12m entre l’avenue et l’arrière de la parcelle ? Comment créer des espaces de qualité sans pouvoir chercher de l’air et de l’espace au-delà de la hauteur du faîtage des bâtiments déjà existants ?
Voilà le tour de force accompli par Deshoulières et Jeanneau Architectes : avoir su glisser les nouveaux programmes dans l’épaisseur du sol de la quasi totalité de la parcelle, tout en discrétion, sans rien sacrifier à la qualité des espaces.
De l’extension contemporaine, seule émerge la galerie d’entrée qui affirme le caractère public de l’édifice depuis la rue. Son expression est contemporaine sans être ostentatoire, et la couleur brune de l’aluminium se fond dans le camaïeu existant. Derrière la galerie, se déploie un patio, amphithéâtre à ciel ouvert autour duquel s’articule l’équipement, et qui apporte de la lumière naturelle et de l’air à tous les espaces enterrés.
Sous le parvis, se cache un auditorium de 122 places (ou 300 debout grâce à une tribune télescopique qui offre une flexibilité des usages, permettant d’accueillir autant des représentations musicales que des performances chorégraphiques ou théâtrales).
Enfin, dans les volumes de l’ancienne école, se trouvent les espaces de formation musicale, les studios de répétition les plus vastes, et la Fabrique Culturelle (espace d’exposition et d’ateliers d’artistes).
Le passage d’un espace à l’autre est parfaitement fluide. Mais pour ce faire, il a fallu casser les planchers existants de l’ancienne école pour gérer les différences de niveaux, et s’atteler sérieusement au jeu de distribution de tous ces espaces.
Le gros défi de ce chantier a ainsi été infrastructurel ; comme le concède le maître d’ouvrage “rien n’a été facile dans ce chantier”. Si les bâtiments existants ont été en grande partie conservés (une partie a cependant dû être démolie et reconstruite à l’identique sur l’arrière pour pouvoir créer le petit parking souterrain), il a fallu consolider l’ensemble et reprendre les murs en sous-oeuvre et les isoler. De même, la présence de sources dans le terrain a obligé à traiter avec grande attention les parties enterrées, dont les murs ont été cuvelés et doublés.
Pas facile non plus de gérer l’acoustique, spécifique à chaque pratique (le Conservatoire accueille pas moins de 53 disciplines !). Pour ce faire, les architectes épaulés du bureau d’étude ITAC, ont adapté les volumétries et le traitement de chaque salle aux besoins. Ainsi, comme ils l’expliquent “une salle de chant ira chercher du volume et de la réverbération tandis qu’à l’inverse une salle de musique amplifiée sera traitée de manière plus feutrée”. Pour les studios à fort niveau sonore (percussion, jazz, etc...), un principe de boîte indépendante a été mis en place avec des plafonds sur suspentes antivibratiles, des cloisons désolidarisées et des dalles sur ressorts. Notons encore que les objectifs acoustiques pouvaient apparaître contradictoires avec l’apport en lumière naturelle qui n’a pourtant jamais été sacrifié. On trouve ainsi, par exemple, un double mur rideau permettant de concilier ces deux aspirations contradictoires dans tous les studios positionnés en pied de patio.
Avec toutes les contraintes à gérer, on ne peut qu’être surpris par la sensation de confort, d’espace, de lumière qui émane de l’ensemble. Il y a quelque chose de généreux dans cette architecture. Ce sont tout un tas de petits détails : de la galerie en double hauteur où l’on peut attendre son enfant lové sur un canapé avec un livre, au traitement du patio végétalisé où l’on imagine très bien demain écouter les yeux mi-clos un petit récital de flûte en plein air. C’est aussi le choix des matériaux biosourcés qui apporte cette sensation de cocon chaleureux (la charpente bois dans toute la partie émergeante de l’extension, les panneaux acoustiques en fibre de bois dans les différentes salles, l’isolation en laine de bois).
Notons enfin l’engagement du projet dans une démarche environnementale ambitieuse visant un niveau E3C1 du label E+C- (exigence de moyen, la labellisation n’étant pas recherchée par la maîtrise d’ouvrage à la réception du chantier) et l’obtention du label Bâtiment Biosourcé de niveau 2.
Conservatoire à Rayonnement Intercommunal de musique et de danse
8-10 avenue de Stalingrad, 91120 Palaiseau
Maître d’ouvrage : Communauté d’Agglomération Paris Saclay
Maître d’oeuvre : Deshoulières et Jeanneau Architectes, Christophe Gautrand & associés (paysagistes), AIA Ingénierie (TCE), AIA Management (OPC), AIA Environnement, ITAC (acousticien), Thierry Guignard / Caroline Cordier (scénographe)
Programme : Réhabilitation des bâtiments existants de l’ancienne école Jules Ferry (début XXe) et extension permettant d’accueillir les différents cursus de formation du Conservatoire à Rayonnement Intercommunal : enseignement de 53 disciplines (musique, danse, théâtre)/accueil de 1200 élèves. Auditorium de 122 places ; 18 salles de pratique musicale ; 3 salles consacrées à la musique amplifiée/MAO ; 5 salles de formation musicale ; 2 studios de danse ; une “Fabrique culturelle” de 220m2 (exposition et ateliers d’artistes)
Surface : 3175 m² SDP sur une parcelle de 3640m2 en centre-ville.
Coût : 10,4 M€ (cofinancé par la Communauté d’Agglomération Paris-Saclay et la ville de Palaiseau).
Calendrier : livré 2022
CAUE DE L'ESSONNE
3 rue des Mazières
Clos de l'Agora
91000 Évry-Courcouronnes
Tel : 01 60 79 35 44
